J’avais dans l’idée d’enchaîner trois jours de relativement longue distance, histoire de voir quelles sensations je pouvais en tirer. Mon plan était de partir de Nîmes, et de rejoindre Montbrehain, à 850 km environ de là, en trois jours.
La première étape, Nîmes-Lyon le 7 Janvier 2015, s’est plutôt bien passée, si on met de côté le vent de face quasi-permanent, heureusement pas trop fort la plupart du temps. Parti vers 7h de Nîmes, je suis arrivé ves 19h30 à Lyon, 261 km plus loin. J’ai suivi la vallée du Rhône. Ce n’était pas vraiment agréable, étant donné le manque de petites routes.
Plus je roule en Europe et plus je me dis que, malgré les routes pourries qu’on peut trouver au Québec, on est bien mieux de l’autre côté de l’Atlantique. L’Europe, ça pue le diesel, tabarnac’. Il y a plus de trafic, plus de monde, des stops tous les 2 km en campagne dans les villages, quand on prend les petites routes qui puent un peu moins.
Mais bien sûr, l’Europe a aussi ses charmes. La variété de paysages et d’architectures, le patrimoine, les fleuves, les monts et les vaux, les villes, font d’une balade ici une expérience dense et ennivrante. Les églises, les vieilles fermes, les animaux de ferme en tous genres, les vignobles, les centrales nucléaires…tant de variété qui défile devant les yeux!
Le problème, c’est que cette belle variété, qui manque au Québec, va avec la densité qui rend l’Europe malodorante à mes narines, et oppressante à mon envie d’espace et de tranquillité.
Revenons à nos moutons. Je quitte Nîmes par une grosse route qui pue, mais qui est relativement directe pour rejoindre la vallée du Rhône. Après cette randonnée de deux jours, il m’apparaît bien plus évident que « bouffer de la route », j’entends par là aller vite d’un point A à un point B en Europe, mieux vaut sacrifier de la distance, de l’énergie et de la vitesse sur l’autel des petites départementales pas larges qui tournicotent, plutôt que de se faire boucher les alvéoles par les diesel sur les grosses routes droites plus fréquentées.
Mais rejoindre Lyon en une journée avec mon Tornado de 14 kg peu aérodynamique en passant par l’Ardèche aurait été encore plus physique, et je ne me sentais pas l’envie d’en découdre avec les cols pour cette traversée de la France. Alors j’ai préféré manger du diesel.
J’ai quand même limité les dégâts en prenant la départementale qui est sur la rive droite du Rhône. Bien que nourri de caloriques ChiaTe, mon énergie se draine rapidement, face à un vent parfois impitoyable s’engouffrant dans mes garde-boue. Je me traîne. Une boulangerie près de Valence, aux environs du kilomètre 140, me rassasiera d’un festin de pain bagnat, ficelle aux olives et roulé au chocolat. Le tout agrémenté d’environ 1h30 (d’épluchage) de mes graines de citrouille préparées avant de partir, soit trois poignées.
Je passe plusieurs centrales nucléaires. C’est gros. C’est impressionnant. C’est pas au Québec.
La vallée du Rhône est quand même vraiment belle, par endroits. Par moments j’emprunte la voie cyclable ViaRhôna, qui longe le fleuve. Tantôt super-praticable, tantôt insupportable tellement elle est déformée par les racines des arbres la jouxtant, cette véloroute m’exaspère. Encore plus quand il faut mettre pied à terre pour passer les barrières de merde permettant d’y accéder. Un bon gros plot suffit, espèce d’urbaniste-concepteur à la con jamais monté sur un vélo.
Vers Chasse-sur-Rhône, il fait nuit, et je me tape encore de la route peu agréable. La traversée de la banlieue sud de Lyon est peu plaisante, mais il faut y passer. Note à l’avantage de l’Europe dans ce domaine: comme les villes sont moins étendues, on rejoint plus vite la campagne. En plus les automobilistes semblent plus ouverts aux cycles dans « leur » voie.
Je suis accueilli par ma sœurette et mon beaufrérot comme un prince et j’apprends la nouvelle. Deux abrutis ont fait un massacre à Charlie Hebdo. Quelle misère. Monde de merde.
Je dors quand même bien, 261 km dont la plupart à contrevent, ça aide.
4h du matin, je me lève pour partir un peu avant 5h. C’est parti pour la seconde étape, a priori 350 km entre Lyon et Troyes. Il fait doux, tout est calme, pas de vent, et je remonte la Saône à bon train. Mon phare fonctionne comme il faut. Ah oui, j’ai oublié de préciser, j’ai dû m’arrêter maintes fois à cause de faux contacts dans le circuit électrique de Tornado. Que c’est exaspérant! Le GPS qui d’un coup ne charge plus, le phare qui s’éteint. Je m’arrête et bidouille les fils, puis ça remarche. Ça m’énerve, j’ai dû m’arrêter genre 20 fois sur un total de 500 km avant de déclarer forfait. Je découvrirai lors du deuxième jour que le problème vient du Dynalader, ma batterie qui sort du courant USB, ou de son alimentation.
C’est que je compte à 100% sur le GPS: je n’ai aucune carte papier, ni feuille de route. Autant dire que les deux fois où il s’est éteint sans prévenir, je n’ai pas trop apprécié. Mais finalement, tout s’est bien passé, et je n’ai pas non plus manqué d’énergie électrique, même si j’ai eu souvent envie de bazarder la saloperie de Dynalader et son faux contact.
Je roule direction Mâcon, peu de monde sur la route, jusqu’à 6h30 environ. Sur un rond-point, je tombe. Il devait y avoir une saloperie quelconque sur l’asphalte, huile ou autre. Ça avait l’air suspect dans le noir, mais le temps de ralentir, j’étais par terre, comme d’habitude, mon coude, mon genou et ma hanche gauches ont pris un coup. Enfin, je me suis assez vite relevé quand même, et heureusement le mec de derrière allait lentement.
Je m’arrête dans une boulangerie pour un petit pain au chocolat. Je n’ai pas chaud, mais me réjouis quand je vois un bus passer, avec plein de lycéens entassés dedans. Ah, que je suis bien sur mon vélo!
Le lever de soleil est comme souvent un beau spectacle, même si je ne suis pas dans une zone assez dépeuplée pour l’apprécier pleinement.
Je longe un moment la ligne de TGV. Ça fait quand même drôle, quand on roule peinard à environ 25-30 km/h, et qu’un truc pesant des dizaines de tonnes passe à des centaines de km/h à environ 20 m de soi. WOOOOSSSSSSSSSSSSSSSSSHHH! C’est super beau, les étincelles qui crépitent au contact caténaire-pantographe. C’est pas demain qu’on verra une de ces formidables machines de l’autre côté de l’Atlantique.
Encore un jour se lève sur la planète France, et je pédale vers le nord. Je franchis le col du Bois Clair (396 m) et atteins le sud-Bourgogne. Je prends enfin de plus petites routes, et aussi une super véloroute. Même s’il y a toujours trop de chicanes au niveau des intersections avec certains plus grands axes, pas besoin de mettre pied à terre. Les petites routes doivent même céder le passage à la véloroute, enfin les utilisateurs les plus légers sont protégés! Une idée bien trop en avance pour une bonne partie de l’archaïque Amérique, Québec en tête.
Cette véloroute est une ancienne voie de chemin de fer, donc c’est plat. L’asphalte est super, il fait beau, je traverse les vignobles, les petits villages qui ont chacun une ancienne gare, datant d’environ la moitié de l’âge de la Belle Province. Je passe les ponts et tranchées, le train, c’est moi, mais en moins rapide.
Je reprends la route « normale » à Givry, puis enchaîne avec de la nationale. Je passe par La Rochepot, village doté d’un beau château, avec une belle côte pour y monter. Au Québec en haut des côtes, il y a du bois. Quelques kilomètres plus loin (km 170), j’ai faim, je m’arrête à Lacanche, dans un bar-restaurant bien plus charmant que n’importe quelle saloperie de Tim Hortons. Plat du jour: couscous! Je mange en tête-à-tête avec un petit chat qui attend la peau du poulet.
En repartant, j’ai le vent dans le dos, mais mal sous les rotules. C’est pas bon signe. Je m’échauffe quand même, histoire de voir comment ça va, mais à Pouilly-en-Auxois mon corps me dit qu’il ne faut pas pousser. Je décide donc d’arrêter les conneries et cherche où est la gare la plus proche. C’est un peu loin mais j’aurai le vent dans le dos.
Je longe le canal de Bourgogne, sur une véloroute complètement indigne de ce nom qui s’apparente plus à un chemin de terre plein d’ornières, encore pire maintenant qu’il pleut. Sur le chemin vers le canal, je trouve un portefeuille au bord de la route. Je l’embarque, et le renverrai par la poste à son propriétaire.
J’arrive finalement à la gare des Laumes-Alésia. Le guichet est fermé, pas terrible pour se renseigner. Mais un train peut me transporter jusqu’à Paris-Bercy, où j’arrive à 20h22. Je traverse une partie de la ville, toujours aussi fourmilière, et arrive Gare du Nord. Il y a des bidasses partout, comme s’ils allaient empêcher un attentat quelconque. Bref. TER pour Saint-Quentin, vélo-maison, dodo.
Au final, 503 km en environ 34 heures tout compris, hors-délai dans les standards randonneurs. Je voulais juste bouffer de la route, c’est à moitié réussi, j’aurais bien aimé pouvoir rentrer en vélo plutôt qu’en train. Je ne suis pas sûr d’avoir apprécié plus que ça, malgré de bons passages. Je suis probablement plus fait pour les longues randonnées sur une journée, ou alors les flèches. Enfin, peut-être un jour aurai-je envie de me taper un 600 km, qui sait?
Et il faut avouer que ça a un côté frustrant, ne faire que rouler. Je n’ai même pas dégusté de vin malgré les kilomètres de vignes, n’ai presque pas vu de centre-ville ni de monument, n’ai pas relaxé au soleil.
Félicitations si vous avez lu jusque là!
Les parcours sur Strava:
http://www.strava.com/activities/238565035
http://www.strava.com/activities/238565070