20-24 Juillet 2015: un tour de Manche

Une semaine de vacances sans plan concret, un vélo, une envie de rouler…il n’en faut pas plus. Pas de tente, pas de sac de couchage, pas de sacoches sauf pour les outils. Pas de gants, pas de lunettes. Un petit change pour être peinard le soir, un petit sac à dos, et roule.

Parti lundi en fin de matinée, mouillé par un crachin dont seule la Picardie a le secret. Je traverse la Somme jusqu’à chez mes cousins.

Mardi, objectif Ouistreham, d’où part un traversier pour Portsmouth, en Angleterre. Crachin encore, mais moins, belles éclaircies, en particulier sur le Pont de Normandie, alors bloqué par les éleveurs en colère. Merci les gars, traverser le pont dans ces conditions était vraiment cool. Quelques bagnoles filtrées par-ci par-là, pas de vent, bref, super. Honfleur, Deauville, etc, bourrés de monde, je ne traîne pas. Route côtière assez férquentée, mais quand même relativement sympathique. Arrivé un peu en avance à Caen, j’allonge un peu le plaisir pour finir avec plus de 250 km dans les jambes en attendant le bateau. Et une poubelle m’a offert plein de pain et pâtisseries pour survivre pendant deux jours.

Nuit sur le bateau, je dors mal malgré la fatigue, allongé aux pieds des sièges. Je rencontre un autre cycliste, anglais, lui était dans les Alpes pour rouler « l’étape du Tour », une rando amateur sur le tracé d’une des étapes de la grande boucle. Il me prévient que les routes anglaises sont assez hostiles aux cyclistes.

Petit matin du mercredi, débarquement à Portsmouth. Bon, faut pas oublier de rouler à gauche! Quel dédale, les voies cyclables sont super-merdiques en général. Par exemple, ce carrefour où, pour aller en face, il faut franchir trois grosses branches hyper-passantes, en appuyant chaque fois sur un bouton pour faire passer le feu au vert.

Anachronix, mon vélo européen pour cette balade, est quand même une bonne monture. La position n’est pas forcément terrible, et les chaussures que j’ai là sont de basse qualité et font mal aux pieds…mais qu’importe, ça roule. C’est pas parce que j’ai encore la moitié de la main gauche engourdie deux jours après que c’est un mauvais vélo!

J’alterne entre la route cyclable et la route côtière normale. Il y a du monde partout, en général. Et les automobilistes anglais sont de vrais chauffards, en général. Je me calme les nerfs en les insultant en français et en leur gueulant dessus, ça mange pas de pain. Entre les cons qui font presque pas d’écart et ceux qui grillent la priorité à gauche, je vous laisse choisir.

Il y a quand me quelques passages agréables. Par exemple, la montée pour sortir de Hastings, relativement ardue. Anachronix a un pédalier 52-39 et 12-28 en arrière, pour moi qui suis habitué à un trois plateaux avec cassette 11-34, faut faire un petit effort.

Le vent s’est levé, et il est avec moi. Tant mieux!

La chaîne couine, elle a soif. Je m’arrête dans un garage auto et demande un peu d’huile. Le garagiste s’occupe de faire prendre un bain d’huile à mon pauvre vélo, qui passe d’un extrême à l’autre. Tout goutte par terre, la jante arrière est toute beurrée. Mais au moins, c’est lubrifié. Merci l’ami.

J’arrive à Douvres vers 18h. Je tombe sur un groupe de cyclistes qui roule de Londres à Paris pour une charité quelconque. Je pourrais probablement m’incruster au groupe et ne pas payer, mais honnête que je suis, je vais payer mon ticket.

J’embarque après un peu d’attente, et encontre un gars trop cool. David Goldberg, américain du Colorado, s’en va courir la Transcontinental Race. Le voyage passe supervite, on cause de vélo bien sûr.

Au débarquement à Calais, on roule quelques bornes, puis on se sépare. Je pensais aller à l’hôtel, mais tout s’avère plein. Je laisse tomber et m’éloigne de la ville, pensant me poser quelque part dans un abri quelconque, grange ou autre, pour passer la nuit. Plein de pauvres migrants errent aux alentours, en particulier près du bout du tunnel sous la Manche. Il y a plein de CRS. Quelle misère…bref, je me casse. Je tente d’aller voir quelques gîtes, mais à cette heure (23h-minuit), tout est bel et bien fermé. Finalement, je roule donc toute la nuit jusque Lille.
La nuit est relativement claire et calme. Je n’ai pas de phare sur mon vélo, à peine deux loupiotes « Reelight », qui ne servent pas à grand chose mais qui me sauvent quand même la mise. Je prends les routes qui ont un marquage au sol, c’est plus confortable oculairement.

Mon GPS est quasi déchargé. À Saint-Omer, je m’arrête dans un hôtel ouvert mais plein, et j’en profite pour amasser un peu d’énergie chimique dans la batterie.

Vers 4h, halte bouffe-charge-étirements dans une boulangerie ouverte (alléluia). Allez, dernière ligne droite jusqu’au canapé du frérot.

Le soleil se lève sur Lille. La ville est encore toute endormie, à peine, quelques chauffards qui se croient seuls sur la route. Phil n’est pas réveillé, je vais boire un thé au Napoléon, puis siester au soleil dans un parc. Ensuite, journée-zombie.

Le lendemain, je voulais rentrer en train, mais finalement y’en n’avait pas avant 16h06…zut alors, va falloir encore faire du vélo!

Désolé, les photos sont perdues, j’en retrouverai peut être une partie plus tard…

En attendant il vous reste les parcours sur Strava:
http://app.strava.com/activities/353058015
http://app.strava.com/activities/353058028
http://app.strava.com/activities/353058052
http://app.strava.com/activities/353058009
http://app.strava.com/activities/353057997

Samedi 27 Juin 2015: Chez Gaston

L’endroit où je loge en ce moment n’est pas très-très loin d’un autre, où je travaillais il y a environ deux ans (comme le temps passe, oui oui). À l’époque, souvenez-vous, j’étais un client régulier de l’épicerie Chez Gaston, à Trottier Mills. Je me suis dit qu’y retourner serait une belle balade. Alors, hop, en selle.

Je pars vers 8h, après un réveil à 7h aux airs de grasse matinée. Il fait à peine frais, le soleil est déjà de la partie. Faut dire qu’on est dans les journées les plus longues de l’année. Je sors de la vallée de la Chaudière en montant le long faux-plat vers Saint-Elzéar (Elzéar, nom à retenir comme suggestion de prénom à qui aura des mômes). Je monte et descends, à la frontière entre les Appalaches et la vallée du Saint-Laurent. Les vues sur les plaines sont appréciables, c’est une jolie route.

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À la limite entre les Appalaches et la vallée du Saint-Laurent…

 J’arrive tant bien que mal à Saint-Jean-de-Brébeuf, qui héberge une partie du parc éolien des Moulins. Elles sont belles, les E-82!

Cherchez la E-82!

Cherchez la E-82!

 La route est vraiment sur le bord des collines, et domine la vallée, au sens québécois, c’est à dire sans falaises, c’est pas les Alpes non plus.

Vue sur la vallée. Quelque part là-dedans, le fleuve.

Vue sur la vallée. Quelque part là-dedans, le fleuve.

 Il y a quand même du relief: sur les 80 premiers kilomètres, il y avait environ 1600 m de dénivelé. « Popire ». Donc, de belles descentes aussi. Quand on a l’impression que la route disparait, c’est que ça descend quand même pas mal.

Attention, ça va descendre à 82 km/h

Attention, ça va descendre à 82 km/h

 J’arrive en vue de Saint-Ferdinand et du parc de l’Érable, celui sur lequel je travaillais à l’époque. Le paysage est complètement sinistré. « Rien ne sera plus comme avant », comme disent les panneaux. Jugez donc.

Le Centre-du-Québec. À l'horizon, le parc éolien de l'Érable.

Le Centre-du-Québec. À l’horizon, le parc éolien de l’Érable.

À l'approche de Vianney.

À l’approche de Vianney.

Les E-82 dans le soleil.

Les E-82 dans le soleil.

 Après une descente vertigineuse en serrant les freins pour ne pas finir étalé sur la route en gravier à l’adhérence approximative, j’arrive à Trottier. « Chez Gaston » est toujours là, alleluia. C’est pas l’heure pour prendre une photo, c’est un parfait contrejour. N’empêche. Je rentre, et l’épicière me reconnait vite. Elle au moins aussi contente que moi, ça fait chaud au cœur. Mon rêve secret qu’elle ait de la fameuse brioche aux raisins comme à l’époque se réalise. On cause un peu. Elle est un peu sidérée que je sois venu de Beauce à vélo et que j’y reparte. Pourtant, elle m’a vu arriver tous les matins quand il faisait -30, cet hiver de 2013. Ils fêtent leurs quarante années de boutique cette année, chapeau! On se serre la main (désolé pour la sueur…), et je repars. Merci, et à bientôt d’se revoir.

Chez Gaston, mon épicerie favorite!

Chez Gaston, mon épicerie favorite!

 Souvenirs, souvenirs, la route 263 vers Princeville est toujours aussi plaisante. J’adore ce coin, en fait. Les érablières, la petite rivière, les virages, je connais le trajet par cœur. D’après Strava, j’y suis quand même passé 93 fois dans ce sens-là…

Souvenirs-souvenirs, la route 263 qui m'emmenait à Princeville chaque soir.

Souvenirs-souvenirs, la route 263 qui m’emmenait à Princeville chaque soir.

263, route que j'aime.

263, route que j’aime.

En descendant vers la plaine sur la 263.

En descendant vers la plaine sur la 263.

 Arrivé à Princeville, deuxième changement de direction de cette balade (105 km au compteur), je tourne une nouvelle fois à droite. Me voilà sur la piste du parc linéaire des Bois-Francs, ancienne voie ferrée, toute droite et pas asphaltée. J’en ai pour 70 km là-dessus…misère de misère. Avec un peu de vent dans le nez, en plus. Enfin, au moins y’a pas de trafic.

Pisscyclable toute droite en gravier lumineux.

Pisscyclable toute droite en gravier lumineux.

 Je me fais doubler par un abruti en cyclomoteur deux temps qui pue. Avis à lui: qu’il crève! On n’a pas idée de venir intoxiquer les honnêtes gens. Pour la peine, le temps que son odeur se dissipe, je m’arrête sur le petit pont au-dessus de la rivière Bécancour.

Rivière Bécancour?

Rivière Bécancour?

Le petit pont de bois, le petit pont de bois

Le petit pont de bois, le petit pont de bois

 En fait, une portion de cette piste est asphaltée, et une autre longe une route asphaltée. Je m’épargne donc un peu de poussière et d’effort superflu. Des fois, on a même droit aux deux en même temps, j’ai l’embarras du choix de l’asphalte, on se croirait en Allemagne, ou presque.

Presque comme en Allemagne!

Presque comme en Allemagne!

 Finalement, je tourne encore à droite, au bout d’environ 180 km, pour remonter la rivière Chaudière. J’ai faim et soif, et je tombe sur une fraisière, miam. J’engloutis un petit panier, qui me fera tenir jusqu’à la maison. Au total, une petite dizaine d’heures dehors, 9h de selle, bref, voyez les détails sur Strava si vous voulez: http://www.strava.com/activities/334335580

Vendredi 5 Juin 2015: Montréal-Québec

Vendredi 5 Juin, ou Samedi 6 Juin, au choix. En fait, en temps, ce serait plutôt samedi, mais je suis parti vendredi…et oui, encore une nuit passée sur le vélo! Il y a une bonne raison. Pour une raison que seul-e-s les initié-e-s connaissent, je voulais me rendre à la « méga bibliovente », cette liquidation des bouquins retirés des bibliothèques de Québec. Et puis depuis un moment, je voulais rouler Montréal-Québec, cette classique que bien des cyclistes québécois connaissent.

Seul hic: la bibliovente, c’était vendredi-samedi, et je bossais vendredi. Vue la distance séparant les deux villes, pas le choix: faut partir le vendredi soir pour arriver dans la matinée du samedi. Autre raison « cerise sur le gâteau », me retrouvant seul pour cause de départ vers l’Europe des êtres chers, enfourcher le vélo et rouler permettait aussi de se changer les idées.

Je décolle un peu avant 22h. La nuit est belle, la pluie a cessé: il a fait un temps pourri, aujourd’hui. Direction le nord-est, le long du Saint-Laurent, sur la route 138, aussi connue sous le nom de « Chemin du Roy ». Bon, je vais pas commencer à parler de guillotine, ça va casser l’ambiance.

Il y a étonnamment peu de trafic pour quitter l’île, je prends la grosse route Notre-Dame limitée à 60, jusque Pointe-aux-Trembles, l’extrémité est de Montréal. À vrai dire, c’est probablement la façon que j’aime le moins pour sortir de l’île. Les raffineries, le port, les bagnoles, bof, quoi. Et le pire, c’est Repentigny, ville-serpent qui s’étend sur des kilomètres. J’ai hâte d’en sortir.

Mais Éole, lui, semble vouloir me faire passer le plus de temps possible ici. D’habitude, le vent souffle d’ouest ou du sud-ouest, le plus souvent. Et la nuit, c’est calme. Eh bien aujourd’hui, c’est tout le contraire, c’est un vent du nord, voir nord-est, qui souffle à 20 km/h de moyenne, malgré la nuit.

C’est pas ce que j’avais prévu quand j’avais pensé à cette sortie, mais les 4 jours passés à réfléchir à « y aller ou pas finalement » n’ont été comme toujours que perte de temps: en fait, je n’y suis que rarement « pas allé ».

Bref. Je lutte pour sortir de cette foutue banlieue qui n’en finit pas. Le trafic, comme toujours, devient de plus en plus léger au fur et à mesure que les heures passent et que je m’éloigne du centre urbain. Ce n’est pas pour me déplaire.

J’ai quelques coups de barre, voir quelques légers assoupissements, mais rien de trop méchant. La fraîcheur m’engourdit un peu. Parce que comme un con, je n’ai pris ni gants, ni bonnet, ni manches, ni chaussettes chaudes. J’appuie sur les pédales pour secouer un peu la machine, et me réchauffe tant bien que mal. Les quelques conducteurs me crient dessus ou klaxonnent pour une raison inconnue. Merci les copains, me faire sursauter ça me donne un bon coup d’adrénaline qui me maintient plus alerte pour quelques minutes.

Kilomètre 108 ou pas loin, je suis à Louiseville. Il est 3h environ, ça fait du 20 km/h de moyenne hors tout, c’est pas de la fusée, c’est du gros monocylindre diesel. Je suis fatigué, j’ai froid, je songe même à m’arrêter pour me réchauffer. Il fait quand même 5-6 degrés, c’est pas chaud-chaud, comme dit l’autre.

Tim Hortons. Autant je déteste ce truc, autant là, j’étais content de me dégourdir les mains et boire un truc chaud. Tant pis pour ma conscience.

Je ressors de là, c’est l' »effet croissant », j’ai relativement la pêche. Je chantonne et roule vers Trois-Rivières, le ciel commence à s’éclaircir et l’aube pointe le bout de son nez. Le ciel est on ne peut plus dégagé, les vues sur le fleuve sont belles, ça promet pour le lever de soleil.

Bientôt le lever

Bientôt le lever

La Lune et le fleuve avant l'aube

La Lune et le fleuve avant l’aube

Trois-Rivières, voilà, c’est pile sur le pont que se lève le soleil. Il est cinq heures, Trois-Rivières…s’éveille, Trois-Rivières, s’éveille…

Le lever trifluvien

Le lever trifluvien

Tornado au petit matin

Tornado au petit matin

La lumière du jour met du baume aux cuisses, il fait pas chaud mais le coeur y est à peu près. Seul Éole fait toujours son rabat-joie, et sur le coup, j’avoue être relativement content de ne pas m’être rasé avant de partir.

J’entame la plus belle partie de la route. Le fleuve trône sous le beau ciel bleu à ma droite, le ruban d’asphalte est à cette heure peu fréquenté, je trippe.

Le fleuve

Le fleuve

Rivière au nom qui m'échappe, du côté de Donnacona

Rivière au nom qui m’échappe, du côté de Donnacona

Les bornes s’enchaînent, lentement et avec hésitation: je ne suis quand même pas très frais, faut bien l’avouer. J’engloutis biscuits, croustilles et autres poubelles emmenées pour le voyage.

La campagne du chemin du Roy

La campagne du chemin du Roy

Le soleil et l'eau

Le soleil et l’eau

Une petite descente

Une petite descente

J’arrive en vue de Québec vers 11h. Les dernières dizaines de kilomètres sont un peu plus vallonnées, ce n’est pas pour me déplaire, ça fait du bien de devoir faire un effort. Et puis le cadre est quand même vachement agréable.

Vers la fin du chemin du Roy, en approchant de Québec

Vers la fin du chemin du Roy, en approchant de Québec

Je franchis la fameuse côte de Cap Rouge, bouquet final de cette classique Montréal-Québec. Et quelques kilomètres plus loin…CLAC, mon câble de dérailleur avant pète lorsque je change de plateau. Ça alors, un câble presque neuf, à peine 4 ans de service!

Je réalise assez vite que j’ai beaucoup de chance: je suis à moins de 10 km de la fin de mon parcours. Si ce câble avait lâché en pleine nuit, j’aurais quand même été un peu emmerdé. Je m’en veux un peu, surtout qu’avant de partir je me suis posé la question: « câbles de rechange ou pas? », et la réponse était « boarf, ça pète jamais, ça… ». Tu parles!

Je termine la balade sur le plateau de 26 dents. Le temps est vite long.

Je rejoins Nico, et on trouve assez vite un vélociste. Il est un peu plus de midi, tout est bien qui finit bien, presque 270 bornes en 14h tout compris. Merci quand même à Éole pour sa contribution au beau temps!

Le parcours sur Strava: https://www.strava.com/activities/320821661

Samedi 23 Mai 2015: le vent de la frontière

Fait beau, il y a du vent, c’est parti pour quelques kilomètres en solo sur la rive sud. Je voulais aller voir le coin sud-ouest du Québec, qui m’était encore inconnu.

Je sors de la ville par la voie maritime, cette bande asphaltée sur la digue séparant le Saint-Laurent de sa voie navigable. J’ai déjà un peu de vent dans le nez. 20-25 km/h dans la face, ça calme. Cap au sud-ouest, direction Franklin, petit bled proche des lignes.

Je traverse la Montérégie. Saint-Rémi et ses belles E-82, les pâtures, les champs, les bosses dans les bois. C’est une belle région. Il y a même quelques ponts couverts, dont un que je franchis.

Après Franklin, je me tape plusieurs dizaines de kilomètres cap plein ouest, avec le vent dans le nez bien comme il faut. Je pédale un peu nonchalamment, mais parviens à me maintenir au-dessus de 20 km/h en général, malgré Éole.

Dundee, petit poste frontière, est au bout de cette longue ligne droite. C’est d’ici que part la route 132, la même que j’empruntais souvent en Gaspésie, et qui va jusqu’à l’autre bout de la province.

Je résiste à l’envie de prendre les petits chemins pour aller voir ladite frontière. D’une part je veux rentrer assez tôt à Montréal, d’autre part je ne suis pas sûr de vouloir titiller le « border patrol »…

Après Dundee, enfin, j’ai le vent dans le dos, je vais pouvoir rattraper un peu le temps. Zoom, Amadeus vole, propulsé à 45 km/h. Je regrette presque d’avoir un pédalier compact.

Je passe par le canal de Beauharnois, majesté du génie civil québécois. À la jonction entre le canal et le fleuve, le vent est fort, fait déferler les vagues sur le petit point de vue, et déséquilibre ma bécane bien trop légère pour cette météo.

Je longe le canal sur la super piste, merci Hydro-Québec, et suis maintenant presque de retour en ville. Beauharnois, Chateauguay, Kahnawake, je connais la route par cœur. Un bateau passe l’écluse de Sainte-Catherine, le pont est levé. Je jase avec le gardien en attendant.

La boucle est bouclée, je prends la voie maritime dans l’autre sens. Au final, à peu près 250 km en un peu plus de 9h, pas si mal. En tous cas j’ai trippé!

Le parcours sur Strava: https://www.strava.com/activities/310407796

Samedi 02 Mai 2015: 118 + 87

Aujourd’hui se tenait un brevet de 200 km. Vue la journée magnifique et les autres raisons, j’y suis allé. Au départ, il y avait vraiment du monde. De ma courte expérience de randonneur, je n’avais jamais vu autant de cyclistes au départ d’un brevet. Ça fait plaisir!

Je rencontre Claude, autre maudit français, que je connaissais jusqu’à présent seulement par Strava et mails interposés. Sympa le mec, on jase juste après le départ, dans les rues de la sale banlieue montréalaise. Jusqu’à ce que…à une intersection, Fred « la fusée » Perman part. Zoom, c’est parti, Claude et moi le suivons. Bon, quelques kilomètres plus loin on se plante de chemin, ça commence bien.

Faux départ donc…vite rattrapé. On rejoint le reste du groupe, qu’on distance rapidement, pour relayer à 37 km/h sur les routes montérégiennes. Je sens que je tiendrai pas toute la randonnée à ce rythme, mais persévère et essaye de travailler pour mes amis aussi. Mais il apparaît assez vite que je n’ai pas la forme qu’ils ont!

On continue à ce rythme jusqu’au premier contrôle. Rapide tampon, pipi-eau, et c’est reparti. On croise nos poursuivants, qui eux aussi semblent avoir bien avionné.

Je sens mes relais de plus en plus poussifs, et suis donc de moins en moins souvent devant. On atteint rapidement les premières petites bosses sur la route de la Covey Hill. Je sens déjà mes cuisses chauffer…

Dès que la montée se fait sentir (aux premières centaines de mètres à 8 %, quoi), je décroche. Je sens des crampes monter…pourtant j’ai bu genre 2 litres d’eau en ces 90 premiers kilomètres! Mon corps n’est probablement tout juste pas habitué à cette allure, cet effort.

Mes compères me distancent dans la montée, et je monte à mon rythme. Mon petit braquet me semble si long! J’ai chaud, et regrette un peu de ne pas avoir enlevé une couche.

Sympa, ils m’attendent en haut. Je cravache tant bien que mal pour les rejoindre, mais oublie ça, je peux pas relayer. Je me contente de faire un effort de temps en temps, et reste derrière sinon. Désolé les gars.

On descend vers Franklin. L’asphalte est pourrie. Zooom, et nous voilà au second contrôle. Encore une fois, on ne traîne pas. Et nous voilà sur la route du retour, avec une brise dans le dos pour quelques kilomètres.

J’observe le pédalage de mes collègues. Fred a un coup de pédale dur, un peu impulsif, j’ai l’impression qu’il cherche à enfoncer quelque chose dans le sol à chaque révolution du pédalier. En revanche, Claude est bien plus lisse, impressionnant de régularité, il donne l’impression que c’est super-facile de rouler à 45 km/h.

Je jette quelques forces dans de courts relais clairement pas du même calibre que ceux de ces deux machines à rouler. Et au bout d’un d’entre eux, c’est le drame: mes jambes crampent. J’ai bu pourtant, et mangé deux bananes! Je comprends pas. Je tente de rester dans les roues, mais ça continue, il faut que je relâche mon effort. Je crie à Fred et Claude d’y aller et que j’ai des crampes, je ne veux pas être un boulet.

Ainsi se sont passés les 118 premiers kilomètres.

Dans les secondes qui suivent le relâchement, je me dis que merde, c’est dommage, que je pourrais quand même faire un effort, quoi. J’attaque un peu, mais suis assez vite ramené à la raison par mes jambes.

Je ralentis. Je me mets à mon rythme, et bois, et bois. Je profite du paysage, en plus c’est maintenant la partie du parcours que je préfère. Et je me dis que ce sera pas plus mal, faire quand même une bonne partie de la randonnée par mes propres moyens, et sans être le truc qui traîne dans les sillages des fusées…

Mes pieds ont aussi des crampes, maintenant! J’adore. Je bois encore.

Au bout de quelques dizaines de minutes, mes crampes se calment enfin. Allez Lou, ya! Je roule peinard, le vent est maintenant de côté/face. Et c’est à moi de le fendre!

J’arrive au dernier contrôle, où je ravitaille en eau. Je dois en être à environ 3.4 litres. J’enlève mes chaussures et relaxe un peu en bouffant des biscuits dans les vapeurs d’essence. (Ouai, c’est une station essence.)

Je repars, restent 40 km…rien du tout, quoi. La route est belle (comme quoi tout arrive!), il fait beau, je trippe.

Bon, j’ai trop bu. Arrêt-pipi.

Saint-Philippe, dernier village résistant à l’étalement urbain montréalais…encore quelques bornes et je me ferai ch…dans la banlieue. D’ailleurs, m’y voilà déjà. Je roule sur les boulevards-autoroutes, vent dans le dos, hop.

Mon GPS plante. Hum, heureusement, il plante modérément et je peux afficher le chemin. Ça tombe bien, parce que je ne le connais pas par coeur…

Quelques feux, quelques stops, quelques chauffards, et me voilà arrivé au dernier dépanneur-contrôle. Fred et Claude relaxent au soleil. Ils ont terminé en 6h23, moyenne roulée de 34.4 km/h. Des machines! Pour ma part, il est 14h02, j’ai donc mis 7h02 à boucler le parcours, en grande partie grâce à mes deux acolytes d’une autre planète. Chapeau les gars, et merci!

Claude et moi repartons vers Montréal en causant. On se reverra bientôt pour la flèche…mais à un autre rythme!

Le parcours sur Strava: https://www.strava.com/activities/296840630

Samedi 28 Février 2015: Zengarry

J’ai récemment découvert, ou redécouvert, les fromages de noix de cajou de Zengarry. C’est une petite madame qui fait ça, à Alexandria, en Ontario, à environ une centaine de kilomètres de Montréal. C’est pas donné, mais qu’est-ce que c’est bon!

Bref, c’était une bonne excuse pour une balade d’une journée entière. Ce samedi s’annonçait superbe, grand soleil, températures clémentes, vent modéré. Alors, en selle!

Sur la route dès le levant, j’emprunte mon parcours habituel pour me rendre jusqu’à Oka. Et oui, bien sûr, je n’allais pas rater une occasion de franchir une fois de plus le pont de glace.

Rien à signaler jusque là, si ce n’est le vent de face et le manque d’énergie. J’ai pas mangé de pâtes la veille…

Le pont de glace est toujours aussi beau, et bizarrement le vent y est aujourd’hui très calme. Je profite de la banquise, il fait environ -13, c’est très agréable. Voyez-donc ici (ou en bas de cet article).

Je poursuis ensuite vers Rigaud, en m’arrêtant de temps en temps pour quelques biscuits. Mes réserves d’eau s’amenuisent. Et c’est quand je serai au milieu de la campagne ontarienne, avec vraiment pas grand monde aux alentours, que je suis à sec. Je mange un peu de neige fraîche pour m’hydrater.

Caramba, mon pneu arrière est sacrément mou. Ne serait-ce pas une crevaison lente? Continuons, on verra bien.

Le vent me draine toute mon peu d’énergie. Je me traine à 15 km/h. Alexandria est encore à 30 km. Mon pneu arrière tout mou achève de me fatiguer. Je n’ai pas envie de réparer en plein vent au milieu de nulle part, même si la température est maintenant presque tropicale, au-dessus de -10 degrés.

Plusieurs fois je songe à laisser tomber. Éole, t’aurais aimé ça, hein? Eh bin non, j’y arriverai, lentement, mais probablement.

Et voilà, finalement, Alexandria! Ça fait du bien d’atteindre le point de demi-tour. Je me trouve le précieux fromage de cajou, et me rassasie dans le petit restau sympa du coin, le Quirky Carrot.

Je répare ma crevaison en digérant, sur le trottoir abrité, au soleil. Et c’est reparti, vent dans le dos, soleil, neige à perte de vue, sauf sous mes roues. Le pied. Les 15 km/h se transforment en 35, je vole. Et j’ai chaud! Il fait -7, j’enlève mon pantalon et mes couvres-chaussures et profite de la douceur.

Je suis l’itinéraire que j’avais programmé dans mon Garmin. Manque de bol, il m’emmène dans un cul-de-sac en ces temps de chemins non-déneigés. Note à soi-même: ne pas essayer de sortir des « grosses » routes en hiver.

Voyant un chemin un peu plus loin sur ma carte, je décide de pousser mon vélo dans des traces de gens passés en raquettes et/ou quad. Manque de bol le chemin s’avère être une piste de motoneige. Putain, 2 km à pousser le vélo sur une piste à moitié damée, quelle merde. Enfin, j’étais content de voir des bagnoles et de l’asphalte, après ça…!

Retour vers le Québec sans encombre, la campagne est belle, il y a un peu de trafic, mais tout va bien.

À Vaudreuil, je me trompe de chemin, et fais un détour stupide. Comme si j’avais de l’énergie à gacher là-dedans.

Je traverse l’Île Perrot, puis suis de retour sur l’Île de Montréal. Encore 35 km à parcourir et je suis au chaud et nourri…qu’est-ce qu’il est long, le chemin du Bord du Lac!

Je finis quand même par y arriver, il est presque 20h30. Je suis hagard en passant le canal Lachine, encore quelques centaines de mètres. Mes mouvements sont lents, je suis rincé.

En fait je suis presque mal. J’ai plus d’énergie, j’aurais dû me faire quelques biscuits avant d’arriver. Ma douce s’occupe bien de moi, merci.

Bref, une fin un peu approximative, quelques déboires, mais une super journée quand même.

Le parcours sur Strava.

 


Dimanche 25 Janvier 2015: Rouler sur l’eau

Un pont de glace, ça c’est de l’idée! On attend que la rivière gèle, et hop, on roule dessus. Entre Oka et Hudson, et entre Pointe-Fortune et Saint-André d’Argenteuil, deux ponts de glace permettent de franchir la rivière des Outaouais l’hiver, quand le traversier n’opère plus.

J’étais curieux de voir ça, alors c’était l’occasion d’une bonne randonnée hivernale: 200 km autour de la rivière des Outaouais et du Lac des Deux Montagnes.

Je pars vers 7h, bien habillé pour affronter les -18 degrés ambiants. Il fait déjà beau, et le vent est bel et bien levé, je l’aurai dans la face pour les 100 premiers kilomètres.

Je commence par rouler jusque chez Intermiel, où j’achète 3 fois 500 g de miel, histoire d’avoir un peu de lest pour les 150 km suivants. Le début de la balade, à travers la ville, est calme: à cette heure-ci la plupart des gens normaux dorment.

En quittant Saint-Eustache, le paysage devient un peu plus intéressant, et il n’y a plus de feux ni de stops. À moi la route, bien déneigée en général. Le vent crée quelques belles congères et draine mon énergie.

Rapide arrêt-miel, donc, puis je m’attaque à la Montée Robillard, quelques mètres de dénivelé jusque Saint-Joseph-du-Lac. Le vent est assez méchant en haut, mais le paysage est vraiment appréciable.

Je descends vers Oka pour prendre le fameux pont de glace. Gros vent de travers, je mets ma capuche et suis bien content d’avoir une veste isolée et « Windstopper ». Je m’arrête au milieu de la rivière, c’est impressionnant et majestueux, toute cette glace. Les clous se plantent dans l’eau, tout roule.

Je tourne à droite après le pont, vers Rigaud et Pointe-Fortune. Le vent me fait vraiment lutter par endroits, et l’aérodynamisme légendaire de mon « Neige » (mon bien-nommé vélo hivernal pas-de-ville) n’aide pas. À Rigaud, je crève de faim, mais ne trouve rien de tentant d’ouvert. Biscuits-poubelles, et hop, je repars.

J’atteins le deuxième pont de glace, et mon compteur dépasse 100 km. Vue sur la centrale hydroélectrique en amont, moins de vent, cabanes de pêche sur glace, grand soleil, c’est super. La température a monté jusque -12, c’est agréable. J’ai même chaud et songe à me dévêtir un peu…mais finalement je préférerais suer.

Je reprends la direction d’Oka. ça y est, j’ai le vent dans le dos, hourra, je vais pouvoir remonter un peu cette moyenne misérable, descendue à moins de 19 km/h, entre les quelques côtes et la lutte éolienne.

J’ai toujours faim. Arrêt chocolat-biscuits avant de défaillir. Oka est encore à 15 km.

Je traverse la réserve indienne et n’achète pas de clopes. Aux autres, les saloperies dans les poumons.

Oka, ah, m’y revoilà! La boucle autour de la rivière des Outaouais est bouclée. Je mange une pizza avant de reprendre le pont de glace. Il me faut des calories.

Je franchis une fois de plus le pont vers Hudson, c’est toujours trippant. Cette fois, je prends à gauche le long du Lac des Deux Montagnes, que je longe jusqu’à l’Île Perrot.

Marrant, cette activité sur l’eau. Des tas de cabanes de pêche, des motoneiges, des quads, des bagnoles, des marcheurs, des cerf-volistes. L’hiver est vivant et très appréciable sous ce grand ciel bleu.

Je décide d’allonger un peu ma randonnée en faisant le tour de l’Île Perrot. Ce n’était pas prévu, mais l’itinéraire est plus sympathique comme ça.

Je retraverse vers l’Île de Montréal et descends prudemment la rampe en colimaçon qui arrive à Sainte-Anne-de-Bellevue. À moi le chemin du Bord du Lac et les 35 km qui me restent à parcourir. Roule, roule!

Pause-chocolat, 60 km me séparent de ma pizza et j’ai encore faim.

Je longe le canal Lachine sur les 15 derniers kilomètres, et me voilà rendu. Je suis un peu défoncé, le froid et le vent, c’est efficace.

Là j’ai mal sous les genoux, je ne sais pas pourquoi, j’ai pourtant remonté un peu ma selle. Faudrait pas que ça devienne une habitude.

Le parcours sur Strava: https://www.strava.com/activities/246398133/embed/7eb7e7de77a133e1ed86fe3c38bdf94b269e127a

Mercredi et Jeudi 07-08 Janvier 2015: l’ambivalence europénne, chronique d’une quasidiagonale avortée

J’avais dans l’idée d’enchaîner trois jours de relativement longue distance, histoire de voir quelles sensations je pouvais en tirer. Mon plan était de partir de Nîmes, et de rejoindre Montbrehain, à 850 km environ de là, en trois jours.

La première étape, Nîmes-Lyon le 7 Janvier 2015, s’est plutôt bien passée, si on met de côté le vent de face quasi-permanent, heureusement pas trop fort la plupart du temps. Parti vers 7h de Nîmes, je suis arrivé ves 19h30 à Lyon, 261 km plus loin. J’ai suivi la vallée du Rhône. Ce n’était pas vraiment agréable, étant donné le manque de petites routes.

Plus je roule en Europe et plus je me dis que, malgré les routes pourries qu’on peut trouver au Québec, on est bien mieux de l’autre côté de l’Atlantique. L’Europe, ça pue le diesel, tabarnac’. Il y a plus de trafic, plus de monde, des stops tous les 2 km en campagne dans les villages, quand on prend les petites routes qui puent un peu moins.

Mais bien sûr, l’Europe a aussi ses charmes. La variété de paysages et d’architectures, le patrimoine, les fleuves, les monts et les vaux, les villes, font d’une balade ici une expérience dense et ennivrante. Les églises, les vieilles fermes, les animaux de ferme en tous genres, les vignobles, les centrales nucléaires…tant de variété qui défile devant les yeux!

Le problème, c’est que cette belle variété, qui manque au Québec, va avec la densité qui rend l’Europe malodorante à mes narines, et oppressante à mon envie d’espace et de tranquillité.

Revenons à nos moutons. Je quitte Nîmes par une grosse route qui pue, mais qui est relativement directe pour rejoindre la vallée du Rhône. Après cette randonnée de deux jours, il m’apparaît bien plus évident que « bouffer de la route », j’entends par là aller vite d’un point A à un point B en Europe, mieux vaut sacrifier de la distance, de l’énergie et de la vitesse sur l’autel des petites départementales pas larges qui tournicotent, plutôt que de se faire boucher les alvéoles par les diesel sur les grosses routes droites plus fréquentées.

Mais rejoindre Lyon en une journée avec mon Tornado de 14 kg peu aérodynamique en passant par l’Ardèche aurait été encore plus physique, et je ne me sentais pas l’envie d’en découdre avec les cols pour cette traversée de la France. Alors j’ai préféré manger du diesel.

J’ai quand même limité les dégâts en prenant la départementale qui est sur la rive droite du Rhône. Bien que nourri de caloriques ChiaTe, mon énergie se draine rapidement, face à un vent parfois impitoyable s’engouffrant dans mes garde-boue. Je me traîne. Une boulangerie près de Valence, aux environs du kilomètre 140, me rassasiera d’un festin de pain bagnat, ficelle aux olives et roulé au chocolat. Le tout agrémenté d’environ 1h30 (d’épluchage) de mes graines de citrouille préparées avant de partir, soit trois poignées.

Je passe plusieurs centrales nucléaires. C’est gros. C’est impressionnant. C’est pas au Québec.

La vallée du Rhône est quand même vraiment belle, par endroits. Par moments j’emprunte la voie cyclable ViaRhôna, qui longe le fleuve. Tantôt super-praticable, tantôt insupportable tellement elle est déformée par les racines des arbres la jouxtant, cette véloroute m’exaspère. Encore plus quand il faut mettre pied à terre pour passer les barrières de merde permettant d’y accéder. Un bon gros plot suffit, espèce d’urbaniste-concepteur à la con jamais monté sur un vélo.

Vers Chasse-sur-Rhône, il fait nuit, et je me tape encore de la route peu agréable. La traversée de la banlieue sud de Lyon est peu plaisante, mais il faut y passer. Note à l’avantage de l’Europe dans ce domaine: comme les villes sont moins étendues, on rejoint plus vite la campagne. En plus les automobilistes semblent plus ouverts aux cycles dans « leur » voie.

Je suis accueilli par ma sœurette et mon beaufrérot comme un prince et j’apprends la nouvelle. Deux abrutis ont fait un massacre à Charlie Hebdo. Quelle misère. Monde de merde.

Je dors quand même bien, 261 km dont la plupart à contrevent, ça aide.

4h du matin, je me lève pour partir un peu avant 5h. C’est parti pour la seconde étape, a priori 350 km entre Lyon et Troyes. Il fait doux, tout est calme, pas de vent, et je remonte la Saône à bon train. Mon phare fonctionne comme il faut. Ah oui, j’ai oublié de préciser, j’ai dû m’arrêter maintes fois à cause de faux contacts dans le circuit électrique de Tornado. Que c’est exaspérant! Le GPS qui d’un coup ne charge plus, le phare qui s’éteint. Je m’arrête et bidouille les fils, puis ça remarche. Ça m’énerve, j’ai dû m’arrêter genre 20 fois sur un total de 500 km avant de déclarer forfait. Je découvrirai lors du deuxième jour que le problème vient du Dynalader, ma batterie qui sort du courant USB, ou de son alimentation.

C’est que je compte à 100% sur le GPS: je n’ai aucune carte papier, ni feuille de route. Autant dire que les deux fois où il s’est éteint sans prévenir, je n’ai pas trop apprécié. Mais finalement, tout s’est bien passé, et je n’ai pas non plus manqué d’énergie électrique, même si j’ai eu souvent envie de bazarder la saloperie de Dynalader et son faux contact.

Je roule direction Mâcon, peu de monde sur la route, jusqu’à 6h30 environ. Sur un rond-point, je tombe. Il devait y avoir une saloperie quelconque sur l’asphalte, huile ou autre. Ça avait l’air suspect dans le noir, mais le temps de ralentir, j’étais par terre, comme d’habitude, mon coude, mon genou et ma hanche gauches ont pris un coup. Enfin, je me suis assez vite relevé quand même, et heureusement le mec de derrière allait lentement.

Je m’arrête dans une boulangerie pour un petit pain au chocolat. Je n’ai pas chaud, mais me réjouis quand je vois un bus passer, avec plein de lycéens entassés dedans. Ah, que je suis bien sur mon vélo!

Le lever de soleil est comme souvent un beau spectacle, même si je ne suis pas dans une zone assez dépeuplée pour l’apprécier pleinement.

Je longe un moment la ligne de TGV. Ça fait quand même drôle, quand on roule peinard à environ 25-30 km/h, et qu’un truc pesant des dizaines de tonnes passe à des centaines de km/h à environ 20 m de soi. WOOOOSSSSSSSSSSSSSSSSSHHH! C’est super beau, les étincelles qui crépitent au contact caténaire-pantographe. C’est pas demain qu’on verra une de ces formidables machines de l’autre côté de l’Atlantique.

Encore un jour se lève sur la planète France, et je pédale vers le nord. Je franchis le col du Bois Clair (396 m) et atteins le sud-Bourgogne. Je prends enfin de plus petites routes, et aussi une super véloroute. Même s’il y a toujours trop de chicanes au niveau des intersections avec certains plus grands axes, pas besoin de mettre pied à terre. Les petites routes doivent même céder le passage à la véloroute, enfin les utilisateurs les plus légers sont protégés! Une idée bien trop en avance pour une bonne partie de l’archaïque Amérique, Québec en tête.

Cette véloroute est une ancienne voie de chemin de fer, donc c’est plat. L’asphalte est super, il fait beau, je traverse les vignobles, les petits villages qui ont chacun une ancienne gare, datant d’environ la moitié de l’âge de la Belle Province. Je passe les ponts et tranchées, le train, c’est moi, mais en moins rapide.

Je reprends la route « normale » à Givry, puis enchaîne avec de la nationale. Je passe par La Rochepot, village doté d’un beau château, avec une belle côte pour y monter. Au Québec en haut des côtes, il y a du bois. Quelques kilomètres plus loin (km 170), j’ai faim, je m’arrête à Lacanche, dans un bar-restaurant bien plus charmant que n’importe quelle saloperie de Tim Hortons. Plat du jour: couscous! Je mange en tête-à-tête avec un petit chat qui attend la peau du poulet.

En repartant, j’ai le vent dans le dos, mais mal sous les rotules. C’est pas bon signe. Je m’échauffe quand même, histoire de voir comment ça va, mais à Pouilly-en-Auxois mon corps me dit qu’il ne faut pas pousser. Je décide donc d’arrêter les conneries et cherche où est la gare la plus proche. C’est un peu loin mais j’aurai le vent dans le dos.

Je longe le canal de Bourgogne, sur une véloroute complètement indigne de ce nom qui s’apparente plus à un chemin de terre plein d’ornières, encore pire maintenant qu’il pleut. Sur le chemin vers le canal, je trouve un portefeuille au bord de la route. Je l’embarque, et le renverrai par la poste à son propriétaire.

J’arrive finalement à la gare des Laumes-Alésia. Le guichet est fermé, pas terrible pour se renseigner. Mais un train peut me transporter jusqu’à Paris-Bercy, où j’arrive à 20h22. Je traverse une partie de la ville, toujours aussi fourmilière, et arrive Gare du Nord. Il y a des bidasses partout, comme s’ils allaient empêcher un attentat quelconque. Bref. TER pour Saint-Quentin, vélo-maison, dodo.

Au final, 503 km en environ 34 heures tout compris, hors-délai dans les standards randonneurs. Je voulais juste bouffer de la route, c’est à moitié réussi, j’aurais bien aimé pouvoir rentrer en vélo plutôt qu’en train. Je ne suis pas sûr d’avoir apprécié plus que ça, malgré de bons passages. Je suis probablement plus fait pour les longues randonnées sur une journée, ou alors les flèches. Enfin, peut-être un jour aurai-je envie de me taper un 600 km, qui sait?

Et il faut avouer que ça a un côté frustrant, ne faire que rouler. Je n’ai même pas dégusté de vin malgré les kilomètres de vignes, n’ai presque pas vu de centre-ville ni de monument, n’ai pas relaxé au soleil.

Félicitations si vous avez lu jusque là!

Les parcours sur Strava:

http://www.strava.com/activities/238565035

http://www.strava.com/activities/238565070

Dimanche 28 Septembre 2014: Circuit gourmand de la Mitis

En cherchant une fromagerie dans le coin, je finis par trouver La Tête sur le Bio. Ils sont fermés, la saison se terminant…mais ils ouvrent pour le circuit gourmand de la Mitis, petit événement qui regroupe quelques producteurs de bons trucs locaux.

En partant de Causapscal, si je voulais aller à la fromagerie en faisant une bonne boucle, ça me donnait un peu plus de 220 km. La distance idéale pour cette magnifique journée de début d’automne.

Je pars vers 6h30, pensant éviter le vent, qui devait se lever plus tard dans la matinée…mais qui s’avère finalement assez fort dès 7h. Je remonte la Matapédia, et suis ensuite la rivière Mitis à partir de Sainte-Angèle-de-Mérici. La journée est vraiment belle, pas un nuage, une température exceptionnelle pour cette période de l’année, il y a peu de monde sur la route en ce début de dimanche: malgré le vent de face, c’est une super balade.

J’arrive à la fromagerie vers 11h, je fais le plein de super fromage et repars, cette fois vers l’est, le gros vent dans le dos me propulsant à 40 km/h sans trop d’effort. Je m’arrête à l’hydromellerie du Vieux Moulin, d’où je sors avec deux pots de miel et deux bouteilles d’hydromel. De bonnes denrées dans des contenants de verre, quelques efforts seront nécessaire s pour ramener tout ça à bon port…

Encore un arrêt, aux Pêcheries Sainte-Flavie, pour des harengs fumés et de la pâte de homard, puis un autre à Baie-des-Sables, à la Fromagerie du Littoral, l’autre fromagerie du coin, que je fréquentais habituellement durant ma vie matanaise passée.

Je reprends ensuite la 297 vers Sayabec. Ça monte! Je passe devant les bureaux du chantier de Saint-Damase, et aperçois dans les champs nos belles E-92 en cours d’assemblage.

Vraiment, quelle super journée! Me voilà en train de filer à 70 km/h dans la redescente vers la vallée de la Matapédia. Je me paye une glace à Amqui, commençant à manquer un peu d’énergie, après plus de 200 km au compteur.

Sur la route vers Causapscal, je fais le détour par le Potager Enchanté, petit producteur de légumes bio. Des vraies carottes, des vrais oignons, des vrais oeufs, quel plaisir!

Dernière descente, me voilà rendu avec mes kilos de bonne bouffe, une douche, du ragoût, et au dodo.

Sinon, pour aller au chantier quand il y a de la brume, ça ressemble un peu à ça:

IMG_4548

Lundi 1er Septembre 2014: Aux Portes de l’Enfer!

 

Une fin de semaine de trois jours, youpi! Samedi maussade, dimanche pourri, lundi…maussade mais y’en a marre, hop, tout le monde dehors.

Pas de réveil, c’est les vacances. Je suis quand même sur la route à 7h30. Au programme, l’aller-retour au canyon des Portes de l’Enfer, à environ 130 km de ma piaule du moment. Ce canyon, c’est un endroit touristique que j’ai souvent vu sur les panneaux et qui m’attirait pas mal, pas seulement pour le nom.

Je connais une bonne partie de la route: la 132, que toute la Gaspésie et une bonne partie du Nouveau-Brunswick empruntent. C’est en général passant, mais l’accotement est digne de ce nom, et à cette heure matinale pour un jour férié, c’est plutôt calme. Il n’y a aucun vent, je file: sur les environ 80 km qui me séparent de la route 234 que j’emprunterai pour me diriger vers le canyon, je tape presque 30 km/h de moyenne. Sur mon bon vieux Tornado avec ses garde-boue, ses pneus de 28 et la sacoche, je vous laisse juger!

Fin de la partie « fusée » en arrivant à Sainte-Angèle-de-Mérici, où je tourne à gauche sur la 234, qui monte vers les plateaux environnants et les belles vallées. C’est parti pour un enchaînement de montées-descentes parfois vertigineux, j’atteins souvent plus de 70 km/h en descente, mais aussi souvent je me traîne à 9 km/h sur les montées à 14 %.

Je quitte la 234 après environ 125 km, seuls quelques kilomètres de gravier me séparent de l’accueil du site touristique. Zut alors, ils n’ont même pas d’eau potable! Qu’à cela ne tienne, je suis allergique à l’eau en bouteille, me voilà donc en mode « raisin sec » pour les prochaines heures.

Je me pose sur une petite table de pique-nique au bord de la rivière Rimouski, à un endroit où elle n’est pas encore encaissée. Des petites mésanges (désignées comme faucons par des touristes français) viennent picorer les miettes. Petit petit!

Je ne traîne pas et file voir la chute et le canyon. La passerelle qui enjambe la rivière est la plus haute au Québec, quelque chose comme 63 m, c’est relativement vertigineux. L’endroit est magnifique en tous cas, vraiment majestueux. Je descends les 300 marches jusqu’au lit de la rivière, c’est impressionnant aussi vu d’en bas. Cataclop cataclop font les chaussures de vélo sur les marches.

Je retrouve mon vélo un peu avant 14h, et c’est parti pour le chemin du retour. Le vent s’est levé, il est clément mais je l’ai dans la face! Malgré la bonne bouffe de ce midi, j’ai peu d’énergie, mais j’avance tant bien que mal. Les 30 km/h de moyenne du matin est bien loin. Je m’arrête au premier dépanneur venu pour enfin m’hydrater. Il est 15h, j’espère encore pouvoir arriver à Amqui à 19h pour aller boire un coup à la Captive, la microbrasserie du coin, et manger un bon truc avec mon amie belge F.

Malheureusement, je ne peux pas faire de vraie boucle pour rentrer, j’emprunte donc le même chemin qu’à l’aller. Les bosses sont toujours aussi hautes, là où j’étais à 70 à l’aller, je suis à 9 au retour…

Une pensée me motive: manger une glace. Finalement, le petit restau de Saint-Moïse où je m’arrête après 18h n’a rien de tel. Tant pis, au moins ça m’aura fait pédaler.

Les chances d’arriver à l’heure s’amenuisent, mais comme F arrive de Rivière-du-Loup, elle emprunte la même route que moi et peut me ramasser en passant pour qu’on bouffe pas trop tard. Elle a de la route à faire, et je me lève tôt demain. Finalement, on se rate, mais on se retrouve, à moins de 10 km d’Amqui. On charge Tornado dans le coffre, et hop. Après environ 238 km et 2750 m de dénivelé (sans compter les 300 marches! Ahah…), j’ai quand même mérité une bonne bière.

Pour aller au chantier le lendemain, le vent dans la face encore, j’ai mis plus de temps que d’habitude. Tiens donc.