Vendredi 1er Juillet 2016 – Miracle canadien

Ça fait un moment que je n’ai rien écrit ici, mais aujourd’hui j’ai un petit truc à raconter.

1er Juillet, jour de la fête du Canada. Je me dis naïvement qu’aux États-Unis ils fêtent pas ça, le Canada, donc que ma bouquinerie préférée à Niagara Falls, NY devrait être ouverte. La fleur au guidon, je roule les 20 km jusqu’au Rainbow Bridge, ce pont qui relie le Canada et les USA en face des chutes du Niagara. Je vous épargne le trafic monstre du côté canadien à Niagara Falls, quel enfer…

Contrôle-express, je passe la frontière et roule jusqu’à la bouquinerie. Manque de pot, le magasin n’est pas ouvert. Bon, perte de temps, j’adore…retour vers le pont.

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Sur le Rainbow Bridge, en regardant vers l’ava

Quelle idée de franchir la frontière lors d’un long week-end commun au Canada et aux USA! Trafic-monstre pour repasser le pont. On prend son mal en patience. Quelques minutes d’attente, je passe la frontière et me voilà de nouveau en route vers la maison.

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Un rapace sur le chemin

Une petite heure de bataille contre le vent plus tard, me voilà rentré. Tiens, un message vocal laissé par un numéro inconnu, mais qui cela peut-il bien être?

« Allo, ici le poste frontière, un voyageur nous a ramené votre portefeuille. On l’a ici, appelez nous ». Merde alors…en effet, je n’ai plus mon portefeuille! Il a dû tomber quand ma sacoche était ouverte entre le péage et le poste de douane, ou pendant l’attente, que sais-je.

« ‘Ostie de Jésus-Christ de tabarnac de câlice de marde », pense-je en français de France dans le texte (comprenez « putain de merde »). J’appelle les douaniers. « Ouai, on a votre portefeuille, avec le fric et tout. On l’a mis dans un sac scellé, venez le chercher. » C’est quand même une sacrée chance: en plus d’un peu de fric (170$), il y a évidemment dans ce portefeuille tout un bordel de trucs chiants à faire refaire si c’est perdu: permis de conduire, carte d’assurance maladie, carte d’identité, etc, etc. J’ai un bon karma, j’imagine. J’aurais pu tomber sur un enfoiré qui garde mon portefeuille et tout le fric avec.

Bon…il est 18h30, je voulais me coucher tôt, mais me voilà bon pour une nouvelle balade de 40 km pour aller chercher mes papiers.

Ni une ni deux, cette fois je prends mon vélo de course et file vers le poste frontière. Je me retape le gros trafic de merde de Niagara Falls. Tout le monde s’est donné rendez-vous dans ce lieu détestable en ce jour du Canada. Je passe au poste frontière. Je demande à une douanière du guichet. Elle est au courant! « The gentleman who lost his wallet is here », dit-elle dans sa radio. Je me retrouve face à cinq madames-de-douane souriantes et on me remet le précieux sac. Alleluia. Merci les amies.

J’entonne un « Ô Canada » debout sur le comptoir, le casque de vélo sur le coeur, tout en brandissant le sac contenant mon portefeuille. Un bus de touriste chinois reprend en choeur. Les douanières en liesse tapent sur leurs claviers en rythme, et je quitte le poste de douane sous un tonnerre d’applaudissements et de cris de liesse.

Non, bon, je quitte le poste sans demander mon reste, mais en remerciant chaleureusement les consciencieuses fonctionnaires.

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Le sac scellé

Voilà, encore quelques bornes sur l’horrible Lundy’s Lane qui pue le graillon et les gaz d’échappements des assassins à quatre roue, une nouvelle petite heure de bataille contre le vent (ça souffle à 30 km/h, environ) à méditer sur ce miracle du jour du Canada, et la boucle est bouclée. La balade de 50 km en a finalement fait 90, et n’aura servi à rien, si ce n’est à avoir cette petite anecdote de fête du Canada à raconter quand je serai vieux.

Donc, merci le Canada et ses gentilles douanières, merci la reine d’Angleterre, et surtout merci à la personne qui a remis mon larfeuille aux autorités. En espérant que vous auriez fait la même chose…!

Jeudi 17 Septembre 2015: St. Catharines – Palmyra

 Après un weekend complet à travailler dans la pluie et la boue, je me suis permis de récupérer deux jours: les jeudi et vendredi suivants. L’occasion d’une balade jusqu’à Albany (560 km de là), pour visiter Julien, ami rencontré l’année dernière sur un site québécois. Le retour se fera bus: dans le moyen-âge du transport en commun que sont les États-Unis, certains trains n’acceptent pas du tout les vélos, même emballés.

Comme je suis assez fatigué en ce moment, je décide d’y aller en mode feignant, comprenez avec vélo ultra léger et aucun bagage si ce n’est un petit sac à dos. Hébergement Warmshowers et motel: voyage « carte de crédit », léger et rapide.

J’enfourche Amadeus, direction les chutes du Niagara, où je vais tenter de passer la frontière. J’y vais mollo, des petites douleurs aux têtes de péronés sont à surveiller.

Je passe le pont sur la rivière Niagara, qui offre une très belle vue, et me retrouve à angoisser un peu à l’approche de la douane. J’ai de quoi montrer patte blanche, mais on ne sait jamais.

Finalement je passe comme une lettre à la poste, juste des questions habituelles, et aussi « pourquoi aller voir ton ami à vélo et pas en voiture? ». Ça reflète bien la vision pathétique qu’ont la plupart des américains du vélo: ce truc dangereux, principalement destiné aux enfants, qu’on accroche sur sa voiture pour aller en profiter sur une piste cyclable. On est loin du cyclisme véhiculaire, évidemment.

Je peine à le croire, mais c’est bien vrai, j’ai passé la frontière à vélo, et me voilà en train de rouler aux États-Unis. Qui l’eut cru?!

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Une belle route de l’état de New York. Cap à l’est!

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Une double-voie déserte

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Amadeus en action

Je suis parti en voulant me reposer, et ai donc vérifié que les conditions seraient bonnes pour ces quatre jours. Le temps est au beau fixe, petite brise arrière, le pied.

Je rejoins le canal Erie à Lockport. Faute de temps avant de partir, je ne me suis pas trop penché sur l’itinéraire et ai fait confiance à Google. Il sait tout, Google.

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Écluses à Lockport

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Le canal Erie

En fait, mon itinéraire (ou plutôt, son itinéraire) suit la plupart du temps le canal Erie et la route cyclable 5 (plus ou moins cyclable, d’ailleurs). Très confortable et agréable, par contre pour l’asphalte, on repassera: l’essentiel du parcours est en poussière de roche. Heureusement, les Durano S n’en ont que faire.

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Pause-pommes-pasbonnes

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Canal, gravier, et petits vieux à l’horizon

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Itinéraire et gravillons

Rouler le long de l’eau, loin du trafic, est assez paisible. Je dépasse quelques petits vieux de sortie. Mais assez rapidement, ça devient monotone: quand j’en ai marre, je retourne sur la route. C’est relativement calme, et en général le revêtement est en super état. Bon, il y a toujours environ deux connards par jour pour me klaxonner; après tout, qu’est-ce qu’un vélo fait sur la route?

La campagne de l’état de New-York est plutôt sympathique, beaucoup de maïs, de fermes et fermettes. Je savoure le soleil américain, les têtes de péronés se font oublier, tout roule.

Je prends un peu de temps pour les appels et courriels du travail. Je culpabilise un peu, d’un côté le projet a besoin de moi, mais de l’autre, ma vie ne consiste pas seulement en planter des éoliennes, et y’a des limites.

Je m’arrête à Brockport pour manger, une petite soupe et un sandwich au hummus de la petite boulangerie du coin. Miam!

Je continue, toujours oscillant entre le canal et la route, jusqu’à rejoindre la ville de Rochester. Je rencontre Bill, qui rentre du boulot en Trek 520. On jase sur quelques kilomètres, son trajet en fait plus de 30…pas mal comme vélo-boulot. Il se limite à deux fois par semaine.

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Super rampe entre la route et la piste

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Éternel canal

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Écluse numéro 30

Salut Bill, « nice to meet you », moi je m’en vais rejoindre mes hôtes de ce soir un peu plus loin. C’est vers 17h30 que j’arrive chez Dale et Nina, à Palmyra. Je suis accuilli comme un roi, on cause de vélo, bien sûr, et d’autres. Sympas, la soixantaine, grands-parents, propriétaires d’un tandem couché super. La porte de la chambre dans laquelle je dors est couverte d’autocollants de marques et trucs de vélo: leur fille travaillait dans un magasin de vélo quand elle était ado et étudiante.

On mange ensemble, regarde un peu la carte, puis je vais récupérer de mes 198 km « rapides et légers ». Bonne nuit!

La journée sur Strava: http://www.strava.com/activities/394492608

Samedi 22 Août 2015: Erie

La semaine précédente, je l’ai passée dans un motel un peu miteux de Port Colborne, à l’intersection du canal de Welland et du Lac Erie. Avant ma dernière nuit dans cette petite ville, j’ai décidé d’aller rouler vers l’ouest, en longeant ledit lac.

Ça faisait un petit moment que j’avais pas sorti mon vélo de course pour une balade relativement longue. Avant de partir, plus tôt dans la semaine, j’ai préventivement changé mon pneu arrière, qui commençait quand même à sembler peu fiable…

Cherchez la différence

Cherchez la différence

Et maintenant, on roule…allez Amadeus, plein ouest!

La route littorale est calme et agréable. Peu de trafic, le lac à gauche, pas de vent, c’est peinard. Je roule pas trop mal, 35 de croisière, dans ces conditions ça se fait bien. Peu de stops pour casser le rythme, c’est parti comme ça jusque Port Dover, la ville où je changerai de cap.

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Les éoliennes du coin, Siemens et GE, ne tournent même pas: le temps est au beau fixe. Il fait de plus en plus chaud, mais ça reste pour l’instant supportable.

Parti vers 8h, j’arrive vers 11h à Port Dover, 99.9 km au compteur…j’ai bien roulé. J’ai un peu faim, et comme par hasard je croise une boulangerie qu’a l’air pas mal. Allez, je voudrais être rentré avant 17h malgré la boucle de 240 km, mais ça a l’air cool, je prends le temps de m’arrêter et de déguster.

La terrasse est pleine, mais deux cyclistes m’invitent à leur table. Sympa les gars. Je fais la file pour commander à manger, au milieu de tout le monde qui se connaît. C’est fou ça, même si la ville est assez petite…

Je mange en compagnie de Scott et son pote, qui en fait sont de la police. Bon, mieux vaut des policiers qui font du vélo que des policiers qu’en font pas, mais quand même, je suis pas forcément dans mon élément quand même. Ils sont cool mais semblent vouloir tout savoir, déformation professionnelle.

Je passe un peu pour un fou quand je leur dis que je roule 240 km ce jour là. Ils veulent savoir qui a la plus grosse, alors je leur dis que la mienne fait 32 km/h. La moyenne, oui.

Je reprends la route, cap nord-nord ouest. Cette fois je prends des routes un peu moins agréables, mais ça va quand même. Il fait chaud, par contre. Je bois sans cesse et m’arrose le crâne.

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Une très légère brise s’est levée, mais n’est presque pas perceptible. Ça roule toujours bien. Amadeus est quand même une sacrée machine. Chaque coup de pédale est presque purement de l’énergie cinétique.

À Dunnville, 200 km au compteur environ, je prends une glace: trop faim et chaud. Comme toujours, ça a l’effet d’un bon coup de fouet.

J’arrive à Welland, début de la dernière ligne droite, le long du Canal, jusque Port Colborne. Je tombe sur les championnats de Bateaux-Dragon, qui sont jolis à voir, mais qui tuent ma moyenne et réduisent les chances d’arriver avant 17h, heure fatidique de fermeture de la boulangerie de Port Colborne. J’ai plus de pain alors pas le temps de niaiser, faut bourrer sinon le petit déjeûner de demain sera vraiment pas drôle.

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J’aime vraiment les canaux, et quand c’est à grand gabarit comme le Welland Canal, c’est encore plus beau. Je passe les ponts levants et les écluses, croisent des abrutis qui roulent en motocross à fond sur la piste, en espérant qu’ils finissent au plus profond du canal.

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J’arrive à temps à Port Colborne, je suis le dernier client de la boulangerie. Ouf! Et maintenant, il faut manger et boire…

Le parcours sur Strava: https://www.strava.com/activities/375168350

Niagara, m’y voilà

Niagara. Projet fou, sur lequel je vais passer plusieurs mois. L’occasion de découvrir une région bien sympathique. Parce que Niagara, ce n’est pas que ça:

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Niagara, ce n’est donc pas seulement les chutes, point focal du tourisme dans le coin, où la terre entière est concentrée sur un kilomètre de bord de rivière. C’est sûr, ça vaut le coup d’être vu, c’est très impressionnant. Mais la région ne se limite pas à ça.

C’est assez effrayant, comme il suffit de quelques minutes de marche (ou encore moins de minutes de vélo) pour se sortir de la foule et admirer la vallée de la Rivière Niagara, soudainement déserte dès qu’on s’éloigne du gros truc qui fait du bruit et de la pluie perpétuellement.

Niagara, c’est avant tout une rivière, une belle rivière, frontalière entre le Canada et les États-Unis. Rivière exploitée, voire surexploitée, comme en témoignent les centrales hydroélectriques de part et d’autre.

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Niagara, ce sont des tas de vignobles, de vergers, de jardins en tous genres. Les producteurs vendent leurs pêches, pommes, prunes, maïs, tomates, œufs, j’en passe et des meilleures, dans des tas de petits kiosques au bord de la route. Difficile de ne pas s’arrêter tout le temps, tout est très tentant. Remarquez sur la photo les ventilateurs antigel, qui protègent les cultures au printemps et à l’automne (ou juste au printemps ou à l’automne, en fait, je sais pas).

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La région est piégée entre les deux grands lacs, Ontario et Erie. Ce sont de vraies mers intérieures: plage, voile, pêche en perspective.

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Niagara, c’est plein d’autres trucs, mais on a le temps d’y revenir…